Voix Intérieures (manifeste)

Un danseur, un musicien, une militante activiste, tous trois Congolais. En un triangle de corps et de langages poétiques, ils restituent ces milliers de voix qui bouillonnent à l’intérieur de leur pays sans pouvoir s’exprimer, tant de rêves étouffés dans la brutalité.

À l’appui des mouvements citoyens exigeant les droits les plus élémentaires - la mise à disposition d’eau et d’électricité pour tous, la protection, l’éducation, le vote libre (et non truqué), la fin de l’enrôlement forcé d’enfants dans l’armée pour dénicher des matières premières -, Yves Mwamba s’offusque à voix haute contre le mépris des dirigeants du Congo. C’est un hommage au militantisme d’une jeunesse engagée mais bafouée, pacifiste et déterminée, non violente et pourtant brûlée vive. Dialoguant avec l’espace scénique qui évolue comme au fil d’une marche militante, les trois performers convoquent et dévoilent, dans les entrelacs des cordes vocales, dansées et musicales, un contexte politique désastreux.

Yves Mwamba fait bouger des corps pour pallier aux mots qui manquent, avec son vocabulaire chorégraphique teinté de krump, de sa danse ténébreuse et solaire, rugueuse et sulfureuse.

Sur une création sonore composée d’ambiances et de voix recueillies au Congo, ce surprenant trio insuffle une énergie vibrante, une cohésion vitale, qui résonnent avec une richesse humaine universelle : la persévérance à se tenir debout.

Dans sa création « Voix intérieures (Manifeste) », le chorégraphe Yves Mwamba convoque un danseur, un musicien et une militante activiste pour un manifeste contre l’absurdité du monde.

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Transversari

Il y a une constante jubilatoire dans les pièces de Vincent Thomasset : c’est toujours tout à la fois intelligent et simple d’accès, enlevé, souriant ou drôle ; il a inventé une entrée multi-strates comme on en voit peu sur scène. Le maestro des entrelacs entre les gestes et les mots se penche ici sur notre rapport aux images et aux identités de genre, questions admirablement « prises en corps » par son complice Lorenzo De Angelis.

Un phénomène identifié au Japon tisse un lien entre ces deux sujets, celui de l’hikikomori, ou la réalité psycho sociale de personnes – principalement des hommes – qui vivent coupées du monde, réfugiées derrière leurs écrans, situation à laquelle une profonde inadaptation aux standards des masculinités peut prédisposer. Transversari est pensée comme une ode au mouvement, à la traversée des sens, des formes et des identités. Fascinant, Lorenzo De Angelis colore le tout de sa composition corporelle en travaillant autour de différents états de corps – domestique, incarné – qui se répondent et restituent ces sédiments déposés là, avec une infinie délicatesse, jusqu’au dénuement.

▶ ATELIER « DESSIN DE LA DANSE autour de LÉGENDES »

avec Lorenzo De Angelis, danseur, et Hadil Salih, plasticienne

Lorenzo De Angelis, danseur et complice de Vincent Thomasset, propose durant cet atelier de travailler à partir de Légendes (son projet collaboratif et curratorial), qui se base sur une boucle chorégraphique constituée à partir de figures emblématiques allant de Marilyn Monroe à Hijikata en passant par Rodin, Mohamed Ali et d'autres... Dans un mouvement lent et continu, il opère un « morphing trans-identitaire » ou incarnation mouvante reliant par la danse ces différentes images collectées.

Par le dessin, nous tenterons d’interpréter ces figures et leurs gestuelles, d’en restituer l’expressivité mais aussi peu à peu de dessiner, d’exprimer le mouvement et la danse en opérant des choix graphiques. Le cadrage, le travail de perspective, le choix du point de vue en réalisant parfois des focus sur différentes parties du corps feront partie des sujets techniques abordés.

Les différentes productions pourront former peu à peu une Légende, soit un matériel issu de la chorégraphie, venant enrichir le projet de collection au cœur de ce travail chorégraphique questionnant la passivité, le partage, l’autorité, la transformation dans l’immuable, la mémoire, le rapport au temps ou aux images…

Infos pratiques :

  • Lundi 24 janvier 2022 de 19h à 21h30
  • Niveau dessin : intermédiaire et avancé / Techniques mixtes
  • Jauge : 10 personnes
  • Tarif atelier : 15 euros + 1 place offerte pour le spectacle Transversari à la date de votre choix (dans la limite des places disponibles)*

Réservez votre place d'atelier : cliquez ici !

*Suite à votre commande, vous recevrez un email de confirmation qui contiendra un code. Vous pourrez l'utiliser lors de votre réservation de la place de spectacle en sélectionnant le tarif "Réservation Participants Atelier".

Nouveau virage pour Vincent Thomasset, accueilli en 2019 au Carreau du Temple avec Ensemble Ensemble. À la croisée des codes du théâtre et de la danse, Transversari s’articule autour de la présence d’un homme cloîtré chez lui, à regarder des écrans, incapable de participer au monde qui l’entoure. Peu à peu, il passe de l’autre côté du miroir, incarnant les images qui défilent devant ses yeux.

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AMAZONES

Dans le cadre du festival Faits d'hiver - www.faitsdhiver.com

Nu au plateau, ce collectif d’amazones magnifie la dimension esthétique et sensuelle des corps entre douceur de l’utopie et violence du combat. Se déplie tout un éventail de nuances de danse, qui déclinent la gestuelle dans de surprenantes ruptures de rythme, parfaitement orchestrées.

Les corps se décollent du texte porté en voix off par le timbre cristallin de la comédienne Lucie Boscher pour ouvrir un large terrain de jeu à l’imaginaire et à la réflexion du spectateur, du mouvement aux mots, des mots à la musique, puissante et ténébreuse, soulignant par contraste la mélodie intrinsèque du texte, la sensualité de sa plume et l’universalité de ses revendications politiques. Un plateau épuré, quelques fruits et végétaux épars : place à la figure du cercle comme symbole d’anneau vulvaire, de révolution, de danse, de foyer, de solidarité.

Servie par un casting 100 % féminin, la volonté politique affichée d’extirper le vocable lié au sexe féminin d’une zone de pudeur fait la joie et la complicité des interprètes nues au plateau. Passeur de quête, reflet d’une époque, le corps affirme aussi ici, s’appuyant sur la figure symbolique plurielle de l’amazone, une entière nécessité d’œuvrer dans le sens d’une émancipation collective.

▶ ATELIER " Danse et expression vocale "

Avec la chorégraphe Marinette Dozeville et la plasticienne performeuse Hadil Salih

Autour du spectacle AMAZONES de Marinette Dozeville, un workshop de pratique performative entre danse et expression vocale.

Questionnant plus particulièrement nos héritages et l’histoire portée par notre langage et par nos gestes, cette journée d’atelier sera constituée de temps d’échange, d’exercices et d’improvisation libre. Inspiré de textes féministes, nous utiliserons les mots comme matière sonore venant enrichir et dialoguer avec la danse.

Encadré par la chorégraphe Marinette Dozeville et la plasticienne performeuse Hadil Salih, cet atelier sera accompagné l’après-midi par Juliette Adam clarinettiste et improvisatrice.

Infos pratiques :

  • Samedi 5 février 2022 de 11h à 13h30 puis de 14h30 à 17h
  • Jauge : 12 personnes
  • Tarif : 25 euros + 1 place offerte pour le spectacle AMAZONES à la date de votre choix (dans la limite des places disponibles)*
  • Réservez votre place d'atelier : cliquez ici !

*Suite à votre commande, vous recevrez un email de confirmation qui contiendra un code. Vous pourrez l'utiliser lors de votre réservation de la place de spectacle en sélectionnant le tarif "Réservation participants workshop".

Avec « AMAZONES », Marinette Dozeville propose une écriture dansée aux antipodes de l’illustration, invitant à la libération des corps au plateau. Une ode à la désinvolture !

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L’affadissement du merveilleux

C’est une expérience sensuelle et sensorielle que propose Catherine Gaudet, l’expérience partagée des mystérieux cycles naturels qui régissent notre existence. Cette quête ambitieuse, aux confins de l’obsession, est ici la source de son langage chorégraphique, cette danse extatique dans laquelle les corps dénudés laissent percevoir chaque infime variation de tensions musculaires, la sueur, le changement de couleur de la peau.

De ces cycles incessants de l’univers, à la fois contraignants et hallucinants, surgit le motif du cercle, ainsi qu’un travail corporel autour du mouvement commun et continu. Les danseurs semblent prisonniers de ce motif, qui représente tout à la fois la source de vie, la danse cyclique infinie des planètes, des atomes, des morts, des naissances et des renaissances. Leur mouvement continuel laisse imaginer ce qui les traverse : élan vital, images, souvenirs, pulsions, forces invisibles qui les plongent dans cet état de méditation à la lisière de la transe.

L’épure de la création lumière et musicale souligne d’autant plus les mouvements kaléidoscopiques et le flot incessant de sensations qui se transforment, laissant apparaître des nouvelles figures témoin captivantes. Le corps devient alors réceptacle, et transmetteur d’une histoire existentielle à la fois personnelle et universelle.

Pour en savoir plus sur la genèse du spectacle, nous vous invitons à lire l'entretien que Catherine Gaudet a accordé à Maculture.fr : cliquez ici

Avec une plume d’une indescriptible volupté, la chorégraphe québécoise Catherine Gaudet met en scène dans « L'affadissement du merveilleux » cinq danseurs d’exception pour tenter de mettre à nu les cycles naturels que nous traversons, tant dans la sensation d’enfermement qu’ils nous imposent que dans leur beauté vertigineuse. Hypnotisant.

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Corps exquis

Il s’agit de composer une œuvre collective, en partie à l’aveugle, chaque artiste y allant de son mot ou de son dessin en l’enchaînant avec celui du précédent, partiellement caché au creux d’un pli. De quoi (re)découvrir une brillante palette des talents de la scène d’aujourd’hui !

Pièce pour trois danseurs, ou solo à trois corps, Corps exquis questionne l’acte de transmettre, dans un foisonnement de signatures d’artistes de renom, une abondance d’accessoires, de masques et de costumes hauts en couleurs, un bain de musiques variées. Dans ce projet qui aura exigé neuf ans de construction au total pour Joanne Leighton, chaque chorégraphe a créé un module d’une minute en s’appuyant sur les dix dernières secondes de la séquence écrite par le chorégraphe précédent, Joanne Leighton ayant impulsé l’idée et la chaîne, proposant l’incipit de la pièce.

Sous sa baguette, la combinaison des soli s’est transformée en partition dansée pour trois interprètes de la compagnie WLDN. Au jeu chorégraphique de la passation du relais, la danse répond par la transmission des gestes d’un corps à l’autre. Et quand s’imbriquent intelligemment des plumes aussi diverses en genres, références, âges et cultures que celles de Phillip Adams, Stéphanie Aubin, Simone Aughterlony, Marianne Baillot, Kimberly Bartosik, Martin Bélanger, Dominique Brun, François Chaignaud, Youngsoon Cho Jaquet, Rosalind Crisp, Ugo Dehaes, Mélanie Demers, Danièle Desnoyers, Herman Diephuis, Stefan Dreher, Radhouane El Meddeb, Myriam Gourfink, Caroline Grosjean, Lucy Guerin, Mia Habib, Christophe Haleb, Trajal Harrell, Ame Henderson, David Hernandez, Lionel Hoche, Marie-Caroline Hominal, Sandra Iché, Petter Jacobsson, Heather Kravas, Latifa Laâbissi, Aude Lachaise, Fabrice Lambert, François Laroche Valière, Daniel Larrieu, Joanne Leighton, Maud Le Pladec, Daniel Linehan, Faustin Linyekula, Mark Lorimer, Angels Margarit, Marlene Monteiro Freitas, Mickaël Phelippeau, Arco Renz, Alban Richard, Hervé Robbe, Carlotta Sagna, Caterina Sagna, Philippe Saire, Kosei Sakamoto, Zoé Scofield, Ambra Senatore, Misook Seo, Morgan Thorson, Stéphanie Thiersch, Mark Tompkins, Emmanuelle Vo-Dinh, Uiko Watanabe, Michael Whaites, alors l’exercice de style s’affranchit de l’exercice pour gagner en style. Une pièce unique en son genre.

Pour en savoir plus sur le travail de Joanne Leighton et la genèse de la création de Corps exquis, nous vous invitons à lire l'entretien qu'elle a accordé à Maculture.fr : cliquez ici

« Corps exquis », œuvre collective où pas moins de 58 chorégraphes, dont Joanne Leighton, artiste chère au Carreau du Temple, se sont mis au travail pour transposer en danse le procédé ludique et artistique du cadavre exquis inventé par les surréalistes dans les années 20 !

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Aberration

« Aberration » s’inscrit dans l’étude chromatique commencée en 2017. Cet égarement chorégraphique offre cette fois-ci la possibilité de redéfinir la forme et la couleur en commençant par questionner le blanc, ce « rien avant tout commencement » qui, comme le dit aussi Kandinsky, « regorge de possibilités vivantes ».

Corps blanc sur fond blanc. Parmi des objets blancs, sur un tapis blanc, un homme vêtu de blanc influe sur son environnement, y évolue, y danse... Le paysage monochromatique ouvre alors un étonnant nuancier de sensations.

L’univers pictural, au sein duquel les tableaux mouvants mêlent matières dansées et chorégraphie du décor, s’appuie ici sur la notion d’aberration d’optique, laquelle provoque des déformations géométriques et chromatiques qui enrichissent la perception de l’image recomposée. À ces impressions hypnotiques et persistances rétiniennes se conjugue une création musicale captivante, une électro harmonique aux accents baroques, la pureté de l’orgue s’habillant si bien de blanc...

Aberration est au-delà d’un solo doublé d’une installation, tant les textures sonores et plastiques - le papier, le métal, le tissu - tant la création lumière, dotée de diverses sources : projecteurs, leds, réflecteurs, sont autant d’interprètes, au même titre que le danseur, au sens de vecteurs d’interprétation de tout ce blanc. Fragmentaire et liée, la structure chorégraphique sous-tend une danse qui, par son éclectisme, de la plus minimale à la plus expressionniste, nous rappelle que le blanc est le spectre de la lumière de toutes les couleurs.

La divagation chorégraphique d’Emmanuel Eggermont invite ainsi chaque spectateur à déceler les multiples nuances qui habitent le champ chromatique du blanc et à y projeter tout un panel de visions et de couleurs fantasmées.

Pour aller plus loin sur le processus de création du spectacle, lire l'entretien d'Emmanuel Eggermont accordé à maculture.fr ici.

Partie manquante de son étude chromatique, “Aberration” d'Emmanuel Eggermont redéfinit la forme et la couleur en questionnant le blanc.

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Scènes étranges dans la mine d’or

En partenariat avec la Maison des Jonglages, scène conventionnée Jonglages à La Courneuve, dans le cadre de la 15e édition du festival Rencontre des Jonglages

Avec une conscience aiguë du corps dans son rapport à l’espace et au temps, Elsa Guérin développe une écriture du jonglage et du cirque minimaliste et sensible, à la lisière d’autres arts. Prenant sa source dans les pratiques muettes du jonglage, puisant aux racines du geste jonglé et de ses similarités avec d’autres pratiques physiques - danse, sport, yoga -, l’artiste esquisse avec ce trio une archéologie de la représentation du corps, en particulier du corps féminin. La pièce se nourrit et parle aussi d’une archéologie plus intime, du souvenir personnel et des survivances du passé dans l’acte de création.

Avec un récit en voix off qui se superpose à l’acte physique, la pièce joue des coïncidences ou des désynchronisations entre ce qui est vu et ce qui est dit, mettant en lumière la perception trouble du souvenir et célébrant la joyeuse et onirique confusion entre réel et imaginaire. À la poursuite de la métaphore du drame humain, Elsa Guérin actualise ici le potentiel chorégraphique et dramatique du jonglage en l’articulant au rapport des corps entre eux et avec les objets, ainsi qu’à la beauté du geste, tout simplement.

D’après une peinture murale de l’Égypte antique représentant trois jongleuses de balles, Elsa Guérin tresse un poétique canevas de corps jonglant et dansant, frayant un chemin très personnel entre documentaire et récit intime.

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Bermudas

Haute en couleurs et subliminale, mathématique et euphorisante, structurée et fantasque, l'œuvre tout en contrastes du chorégraphe italien est parcourue de vibrations proprement organiques et charnelles, qui émanent pourtant d'une partition écrite au cordeau.

Bermudas (Les Bermudes) propose à un nombre variable d'interprètes un organisme gestuel fondé sur des règles simples et rigoureuses produisant un mouvement perpétuel. Ici, sept danseurs-performers se livrent à cet énigmatique exercice pour en diffuser toute la poésie. La tonicité et la diversité générationnelle des interprètes donnent ampleur et fraîcheur à ces mouvements giratoires aériens, parfois télescopiques ou télescopés. La danse habite une création lumière qui met en valeur les ombres portées, et un univers sonore électro envoûtant, tantôt indus et minimal, tantôt planant.

Pour créer ce véritable écosystème chorégraphique, Di Stefano s'inspire des théories du chaos et des systèmes évolutifs de la physique et de la météorologie. Sa pièce ouvre un lieu mystérieux, complexe et fascinant, chargé de tensions relationnelles, une dimension énergétique d'une rare intensité. Les Bermudes... Ici, point de curieuses disparitions, mais, il est vrai, une forme de distorsion spatio-temporelle et un champ magnétique particulièrement dense.

Un langage dansé se tisse entre les interprètes, dont la syntaxe posturale, dans un espace inclusif et perméable, permet à chacun de trouver sa place et d'entrer dans une troublante communication.

Le spectacle a reçu de nombreux prix dont celui de la meilleure production italienne et du meilleur spectacle de danse 2019.

Chorégraphe vibrant de la scène italienne contemporaine, Michele Di Stefano base son spectacle « Bermudas » sur un système de règles simples et rigoureuses produisant un mouvement perpétuel, les danseurs-performers y composent un lieu à l’énigmatique poésie chargé d’intenses énergies.

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Sur le Carreau

Dans le cadre du Festival Faits d'hiver

Le monde est touchant

Il est trop

Less is more

Le malheur du monde, c’est l’éparpillement des individualités, la perte de la communauté. Sous la menace venant d’ailleurs et de partout (le virus), une communauté s’est rassemblée. Dès le 19 septembre 2020, la première rencontre au Carreau du Temple, j’ai proposé : « Nous ne sommes pas du tout sûrs de nous revoir, alors considérez cette séance non comme une « répétition », mais comme une « représentation ». » C’est une méthode — elle vient de Klaus Michael Grüber — que j’utilise souvent, plus ou moins bien comprise, mais dans le contexte, ici, elle l’a été. C’est ce qui fait pour moi la merveille absolue de ce travail. Dès le 19 septembre, les amateurs ont donné une « représentation » dont j’ai été le seul pince-moi-je-rêve, le seul témoin. Dès la séance suivante, j’ai fait venir des amis parmi lesquels Dominique Issermann pour que d’autres que moi en témoignent. Toutes les activités locatives de la Halle ayant été suspendues, nous avons pu tout l’hiver « jouer » ce spectacle avec des participants amateurs rejoints peu à peu par des solistes professionnels. Ça s’est fait avec « presque » tout le monde. Une abolition de la frontière spectateurs/danseurs. Nous nous sommes arrêtés le 31 janvier où nous avons pu officiellement donner une représentation pour les « pros ». Saurons-nous faire écho, résonance, exactement un an après, à ce qu’il s’est passé de miraculeux ? Cette fleur du paradis sera-t-elle restée dans nos mémoires ou bien tout aura repris comme avant, la course vers le mur, la chute de la falaise, le suicide consumériste ?

Yves-Noël Genod

Extrait de la note d’intention de l’an passé (juin 2020) :

« Ce spectacle hors de nos rêves, je voudrais qu’il naisse aussi de la grande Halle du Carreau du Temple, de la matrice de l’architecture à l’état vacant, disponible comme un poème. Il faudrait se donner le droit de se baigner dans le « sentiment océanique du monde » 1. Nous sommes des babouins, dit le philosophe 2. Il ne nous faut que le paradis. Quelque gazon de territoire. Il faut nous toucher, nous épouiller car on dit qu’à nous isoler nous perdons de notre intelligence. Il faudrait des danseurs capables de contaminer les foules : la virtuosité que je recherche est celle qui se mélange. Qu’est-ce qu’a dit le Président ? « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Eh bien, nous traverserons cette « gare » avec alacrité parce que nous pensons que personne n’est vraiment quelque chose ou si peu. Il y a une très belle phrase de Barbara. Dans une interview, on lui parle de son talent et elle s’exclame : « Mais qu’est-ce que c’est que le talent ? Est-ce que ce n’est pas entrer en scène et sourire ? » C’est l’aventure d’une promesse de reterritorialisation de la solitude déchirante. Poème du lieu. Je ne maîtriserai pas ce qui va se passer. Non-maîtrise de ce qui va se passer. C’est tout ce qu’on se souhaite profondément dans la vie, vivre le réel, l’expérience, plutôt que, par exemple, cette manipulation des réseaux dits sociaux. Babouins, nous n’avons pas dit le dernier mot. »

Performer, danseur, chanteur, chorégraphe, metteur en scène et auteur parmi les plus prolifiques et atypiques de la scène française, Yves-Noël Genod se saisit de l’immensité de la Halle du Carreau du Temple pour y créer, avec une centaine de participants sans expérience ou très expérimentés, un spectacle minimaliste de danse à l’échelle démesurée d’un rêve.

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