Bermudas

Haute en couleurs et subliminale, mathématique et euphorisante, structurée et fantasque, l'œuvre tout en contrastes du chorégraphe italien est parcourue de vibrations proprement organiques et charnelles, qui émanent pourtant d'une partition écrite au cordeau.

Bermudas (Les Bermudes) propose à un nombre variable d'interprètes un organisme gestuel fondé sur des règles simples et rigoureuses produisant un mouvement perpétuel. Ici, sept danseurs-performers se livrent à cet énigmatique exercice pour en diffuser toute la poésie. La tonicité et la diversité générationnelle des interprètes donnent ampleur et fraîcheur à ces mouvements giratoires aériens, parfois télescopiques ou télescopés. La danse habite une création lumière qui met en valeur les ombres portées, et un univers sonore électro envoûtant, tantôt indus et minimal, tantôt planant.

Pour créer ce véritable écosystème chorégraphique, Di Stefano s'inspire des théories du chaos et des systèmes évolutifs de la physique et de la météorologie. Sa pièce ouvre un lieu mystérieux, complexe et fascinant, chargé de tensions relationnelles, une dimension énergétique d'une rare intensité. Les Bermudes... Ici, point de curieuses disparitions, mais, il est vrai, une forme de distorsion spatio-temporelle et un champ magnétique particulièrement dense.

Un langage dansé se tisse entre les interprètes, dont la syntaxe posturale, dans un espace inclusif et perméable, permet à chacun de trouver sa place et d'entrer dans une troublante communication.

Le spectacle a reçu de nombreux prix dont celui de la meilleure production italienne et du meilleur spectacle de danse 2019.

Chorégraphe vibrant de la scène italienne contemporaine, Michele Di Stefano base son spectacle « Bermudas » sur un système de règles simples et rigoureuses produisant un mouvement perpétuel, les danseurs-performers y composent un lieu à l’énigmatique poésie chargé d’intenses énergies.

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Sur le Carreau

Dans le cadre du Festival Faits d'hiver

Le monde est touchant

Il est trop

Less is more

Le malheur du monde, c’est l’éparpillement des individualités, la perte de la communauté. Sous la menace venant d’ailleurs et de partout (le virus), une communauté s’est rassemblée. Dès le 19 septembre 2020, la première rencontre au Carreau du Temple, j’ai proposé : « Nous ne sommes pas du tout sûrs de nous revoir, alors considérez cette séance non comme une « répétition », mais comme une « représentation ». » C’est une méthode — elle vient de Klaus Michael Grüber — que j’utilise souvent, plus ou moins bien comprise, mais dans le contexte, ici, elle l’a été. C’est ce qui fait pour moi la merveille absolue de ce travail. Dès le 19 septembre, les amateurs ont donné une « représentation » dont j’ai été le seul pince-moi-je-rêve, le seul témoin. Dès la séance suivante, j’ai fait venir des amis parmi lesquels Dominique Issermann pour que d’autres que moi en témoignent. Toutes les activités locatives de la Halle ayant été suspendues, nous avons pu tout l’hiver « jouer » ce spectacle avec des participants amateurs rejoints peu à peu par des solistes professionnels. Ça s’est fait avec « presque » tout le monde. Une abolition de la frontière spectateurs/danseurs. Nous nous sommes arrêtés le 31 janvier où nous avons pu officiellement donner une représentation pour les « pros ». Saurons-nous faire écho, résonance, exactement un an après, à ce qu’il s’est passé de miraculeux ? Cette fleur du paradis sera-t-elle restée dans nos mémoires ou bien tout aura repris comme avant, la course vers le mur, la chute de la falaise, le suicide consumériste ?

Yves-Noël Genod

Extrait de la note d’intention de l’an passé (juin 2020) :

« Ce spectacle hors de nos rêves, je voudrais qu’il naisse aussi de la grande Halle du Carreau du Temple, de la matrice de l’architecture à l’état vacant, disponible comme un poème. Il faudrait se donner le droit de se baigner dans le « sentiment océanique du monde » 1. Nous sommes des babouins, dit le philosophe 2. Il ne nous faut que le paradis. Quelque gazon de territoire. Il faut nous toucher, nous épouiller car on dit qu’à nous isoler nous perdons de notre intelligence. Il faudrait des danseurs capables de contaminer les foules : la virtuosité que je recherche est celle qui se mélange. Qu’est-ce qu’a dit le Président ? « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Eh bien, nous traverserons cette « gare » avec alacrité parce que nous pensons que personne n’est vraiment quelque chose ou si peu. Il y a une très belle phrase de Barbara. Dans une interview, on lui parle de son talent et elle s’exclame : « Mais qu’est-ce que c’est que le talent ? Est-ce que ce n’est pas entrer en scène et sourire ? » C’est l’aventure d’une promesse de reterritorialisation de la solitude déchirante. Poème du lieu. Je ne maîtriserai pas ce qui va se passer. Non-maîtrise de ce qui va se passer. C’est tout ce qu’on se souhaite profondément dans la vie, vivre le réel, l’expérience, plutôt que, par exemple, cette manipulation des réseaux dits sociaux. Babouins, nous n’avons pas dit le dernier mot. »

Performer, danseur, chanteur, chorégraphe, metteur en scène et auteur parmi les plus prolifiques et atypiques de la scène française, Yves-Noël Genod se saisit de l’immensité de la Halle du Carreau du Temple pour y créer, avec une centaine de participants sans expérience ou très expérimentés, un spectacle minimaliste de danse à l’échelle démesurée d’un rêve.

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