Passionné par la poésie et les mythes anciens, Harris Gkekas entreprend ici une fabrique de sa propre mythologie et d’un lexique chorégraphique proche du langage Pythique. Aux confins du rêve comme du cauchemar, oscillant entre quiétude et inconfort, sa pièce atteint quelque chose de substantiel, qui touche à l’essence de la danse, voire de la vie, en évoquant avec subtilité la croisée de nos chemins, la liberté, la solitude, la fragilité de nos entreprises et l’état de veille extrême que nous apprennent les mythes.
Fort d’un parcours d’interprète impressionnant de collaborations avec de grandes signatures – William Forsythe, Jiří Kylián, Merce Cunningham, Trisha Brown, Saburo Teshigawara... –, le chorégraphe invente ici une danse qui fait de chaque geste un mot, une image, un fragment qui murmure. Plus qu’une trame, c’est une toile énigmatique qui se déplie, un espace tonique et fécond où l’imaginaire circule librement.
Dans un dispositif scénographique minimal, la gestuelle reste tout aussi simple. La virtuosité ne se situe pas à l’endroit de la performance, mais dans l’intelligence de l’agencement et de la décomposition de ces mots-gestes. Reposant sur un parti pris stylistique très fort : un langage qui n’indique pas mais fait signe, ce travail évoque l’acte poétique lui-même, quand faire poème semble plus que jamais nécessaire face à une modernité frénétique, un lieu encore possible d’une insurrection contre le temps. Tel un opus testamentaire, il ouvre la possibilité d’un apaisement.
Trois danseurs aux parcours éclectiques s’imprègnent de poèmes de plumes virtuoses pour créer une « pièce-monde » qui met dos à dos simplicité et immédiateté, en quête de la splendeur endormie dans le ventre de nos actes. Une expérience mystérieuse, un rêve éveillé.
Inspiré du tai chi, de la danse derviche, de l’hypnose et du jonglage contemporain, le duo masculin happe le public dans une étrange expérience oscillant entre deux états extrêmes, transe et maîtrise de soi. Un moment de poésie dansée-jonglée ensorcelant.
Toupies hallucinantes, deux corps tournoient à vive allure, dans une ivresse corporelle qui cherche les limites du jonglage. Dans leur danse au rythme crescendo, atteignant une cadence impressionnante, chacun des deux interprètes porte une balle blanche, laquelle se déplace ou s’immobilise selon leur axe de rotation, par la force centrifuge. Les corps tournent sur eux-mêmes jusqu’au vertige.
Telle une méditation active, une métaphore vivante du mouvement des planètes en orbite autour du soleil, leur danse et leur jonglage se situent dans une approche dynamique de la vie qui distingue des éléments asymétriques mais égaux pour mieux les réunir.
Belle, épurée, émouvante, cette relation entre les deux danseurs, reposant à la fois sur leurs spécificités et sur leur complémentarité, nous rappelle que deux forces qui paraissent antinomiques, y compris les énergies humaines, se soutiennent l’une l’autre dans la puissance de la synergie.
Dans ce duo de danse derviche et de jonglage, le public partage l’expérience de la rotation depuis son fauteuil
Il a sans doute fallu du courage à Thierry Micouin et à sa fille de 20 ans pour se livrer sur le plateau au récit de leur relation entre père danseur-chorégraphe et fillette puis adolescente. Et il faut indiscutablement bien du talent pour le faire avec autant d’humour, de tendresse, de panache, et accéder ainsi à cette brise de vérité, si revigorante !
Dans une intrication de médias : danse, texte, vidéos, théâtre, et même un croustillant jeu des sept familles revisité, le père et sa fille, avec l’énergie de leur amour filial, dévoilent l’intimité d’un parcours qu’ils ont à la fois vécu ensemble et différemment. Assumant le ton de la confidence, la fraîcheur d’une « première fois où l’on se dit tout », le duo nous raconte, par le geste dansé et par la voix, ses questionnements passés, contigus ou respectifs, ses découvertes, ses moments-clés. La première audition, la triche sur l’âge dans un C.V., la Cour d’Honneur au Festival d’Avignon, les lettres de spectatrices, les non-dits sur l’homosexualité du père... tandis que la fille savait. Très loin de l’autofiction adressée aux publics dits « avertis », Thierry Micouin, en invitant sa fille à donner en partage son regard innocent d’enfant, fait ici un joli pied de nez au préjugé dévolu à l’ego des artistes, et, dans les entrelacs de sa propre trajectoire, dresse en toute modestie un petit panorama de l’histoire de la danse contemporaine.
Drôle, pétillant, touchant, emmené d’un peps étourdissant, ce spectacle se double d’un témoignage, celui de l’attachement à l’art et à la vie, et à ce qu’ils ont en commun : la mémoire et la transmission.
« Eighteen » évoque la relation père-fille à travers le vécu de Thierry Micouin et celui de sa fille Ilana, tous deux danseurs et réunis sur scène pour un subtil duo.
Aina Alegre et David Wampach expérimentent des formes scéniques qui se démarquent par leur expressivité physique autant que par leur inventivité plastique. S’ils se connaissent depuis dix ans et ont déjà travaillé ensemble à plusieurs reprises, CONCRERTO est la première pièce qu’ils conçoivent en binôme. « Mettre en commun, s’associer, critiquer, assumer nos points de convergence et de divergence » : tels sont les partis pris sur lesquels se fonde leur relation créatrice. Mue en profondeur par la dynamique excessive propre au style baroque, la pièce CONCRERTO prend la forme, continûment imprévisible, d’une pièce hors normes qui mobilise – à importance égale – le son, la voix et le corps en tendant tout du long vers un état d’abandon explosif et jubilatoire. Coexistant au sein d’un espace commun, ouvert au possible, quatre interprètes masculins déploient une profusion de mouvements et de sons affranchis de tout lien de subordination. Alliage de morceaux et de situations disparates « qui proclament l’exagération, l’emphase et le contraste », CONCRERTO ne peut se ranger dans aucune catégorie bien définie. Traversée de multiples flux énergétiques et vouée intrinsèquement au débordement, la pièce fait jaillir de saisissants états physiques et de puissants éclats sonores.
- Texte de Jérôme Provencal
Première pièce construite en binôme, CONCRERTO est métamorphose, exagération et exubérance des formes, abandon festif, explosif et jubilatoire.
Sorry, boys s’inspire d’un fait divers qui a défrayé la chronique d’une petite ville du Massachusetts en 2000 : 18 lycéennes de moins de 16 ans décidaient de tomber enceinte en même temps pour élever leurs enfants ensemble.
Le spectacle s’ouvre sur un apparat scénique proprement saisissant, une trouvaille de la brillante scénographe Paola Villani. Dans la pénombre surgissent douze têtes coupées, marionnettes accrochées sur des tableaux comme autant de trophées de chasse. D’un côté, six adultes : parents, directeur et infirmière du lycée ; de l’autre, les pères adolescents. Un flot de SMS versés sur grand écran - que s’échangent les jeunes femmes, invisibles - insuffle une esthétique numérique contrastant résolument avec l’univers de la marionnette, mais qui l’aspire à la dérobée dans sa sphère contemporaine.
Les protagonistes tentent de comprendre les raisons du pacte de maternité entre ces adolescentes. Comment un féminicide dans leur ville a-t-il pu engendrer cette grossesse collective ? Les uns et les autres en débattent, mais n'en restent pas moins cloués au mur.
Dernier épisode d'une trilogie explorant les résistances féminines, Sorry, boys s'inscrit dans un travail politique, à la fois féministe et antifasciste, d'une grande subtilité. Manipulant seule les douze marionnettes, et en assurant, seule aussi, toutes les voix, Marta Cuscunà réalise ici une performance exceptionnelle, au retentissement visuel et sonore indélébile.
Le spectacle est caractérisé par l'utilisation explicite de références à connotation sexuelle.
Une pièce palpitante, au sens propre comme au figuré, dans le fond comme dans la forme.
Vous retrouverez Théophile Bensusan, Nawel Bounar, Clémence Juglet, Akène Lenoir, Johana Malédon, Théo Marion-Wuillemin, Nicole Muratov et Emily Regen, qui présenteront un extrait de leur création sous la direction artistique de Christine Bastin.
À propos des chorégraphes :
Page dédiée sur le site de La Fabrique de la Danse : cliquez ici
Compte Instragram de La Fabrique de la Danse : cliquez ici
Page de l’évènement sur le site de La Fabrique de la Danse : cliquez ici
Venez découvrir les chorégraphes de la septième promotion de l’incubateur de La Fabrique de la Danse le jeudi 12 mai 2022 à 20h, au Carreau du Temple !
Pur éblouissement de danse. Incarnée par quatre interprètes magistraux, dont la solidarité sur le plateau envahit les spectateurs par vagues de frissons, la dernière pièce de Léo Lérus poursuit les courbes d’une signature unique. Portant avec élégance l’héritage caribéen, à l’appui d’outils sans cesse affûtés, sa démarche le pose depuis dix ans comme un créateur d’exception sur la scène contemporaine.
Les danseurs entrent en scène devant un grand écran luminescent, qui se reflète au sol. Une marche simple mais urgente dicte des croisements, au coeur desquels bat la musique des pas. Soudain, une musique allègre emporte la danse, puis les mouvements de groupe se dessinent, la musique traditionnelle faisant place à un univers électro, vif, scandé. Les corps, athlétiques, sculptés, magnifiques, nous happent ; il est impossible de détacher son attention une seule seconde de cette profusion de lignes et d’arabesques exaltées, d’une implacable précision. Avec ardeur et sensualité s’enchaînent quatuors sur percussions riches, duos vus de dos sur musique minimale, ou d’extraordinaires performances découpées sur des carrés de lumière blanche, jusqu’au final, décapant.
Léo Lérus a inventé un vocable directement issu de la musicalité et de la théâtralité du Léwòz, une danse mariée au Gwo-Ka, langage musical d’origine africaine né lors de la traite des Noirs, principalement joué avec des tambours.
S’inspirant ici de la thermodynamique de l’évolution observant l’« entropie » - mesure du degré de désordre de tout système -, il reconsidère avec ses danseurs la notion d’énergie, selon un regard enrichi d’interactions techniques entre chorégraphie, interprétation, dramaturgie et environnement sonore et musical. À n’en pas douter, il y en aura d’autres, mais Entropie, tel un micro-organisme vivant, est un puissant aboutissement de cette recherche.
Mes Horizons - Gladys Demba
Focus danse sur la jeune création guyannaise présenté en avant-première du spectacle Entropie
La Guyane est un terrain de croisements entre les premiers peuples amérindiens, les Bushinengue – descendant·e·s d’esclaves africain·e·s né·e·s du marronnage – et les Créoles. Mais « peu importe le mélange que l’on a dans le sang, ici, nous avons tou·te·s des valeurs de chaque communauté » rappelle Gladys Demba. C’est avec des questions essentielles et intérieures sur les différentes cultures guyanaises que la chorégraphe explore son identité. À l’âge de 6 ans, elle rencontre la danse en Guyane française, sa région. Elle parcourt ensuite plusieurs écoles en métropole et ailleurs, enseigne à son tour la danse et développe son écriture chorégraphique sous le regard bienveillant du chorégraphe Thomas Lebrun, directeur du CCN de Tours et de Norma Claire, directrice du CDCN de Guyane Touka Danses. Solo signature, Mes Horizons joue des influences et des fulgurances, pour trouver sa danse.
- Texte de Léa Poiré pour l’Atelier de Paris / CDCN
Retrouvez notre interview de Léo Lérus :
En partenariat avec l’Atelier de Paris - Centre de développement chorégraphique national / festival JUNE EVENTS, le chorégraphe caribéen Léo Lérus vient éblouir la scène du Carreau du Temple avec sa dernière création « Entropie ». En ouverture de soirée, Gladys Demba présente « Mes Horizons », un premier solo ambitieux
Jeudi 15 et vendredi 16 juillet 2021 à 19h et à 21h - Tarif B
Quel est le point commun entre une boule de bowling, des chaussures à crampons, et un portique ? Entre les mains du facétieux Alexander Vantournhout, ils deviennent les accessoires incontournables pour défier les lois de la physique, mettre sens dessus dessous les corps mais surtout notre regard ! Arrimés aux bras, aux pieds, ou aux chevilles, les objets lancent un défi sportif et poétique aux six circassien·ne·s-danseur·euse·s : émergent alors de magnifiques qualités gestuelles, des entremêlements de corps en appui, une élasticité virevoltante, des torsions en miroir, jusqu’à la ronde joyeuse et délurée des corps libérés.
Le public est ainsi invité à déambuler dans la Halle et découvrir une série de courtes performances.
« Alexander Vantournhout confirme sa maîtrise du mouvement et son ancrage dans les fondamentaux du cirque – le poids et le risque – augmentés par l’accessoire, tout en cultivant un génial décalage. » La Terrasse
Durée : 60 minutes
CUIR de la compagnie Un Loup pour l'Homme
Mardi 13 juillet 2021 à 19h30 - Tarif B
Dans un corps à corps puissant, deux hommes harnachés jouent à manipuler le corps de l’autre. Le plaisir précautionneux qu’ils prennent à se transformer l’un pour l’autre en instrument, en agrès, en terrain de jeu ou en champ de bataille les engage dans une lutte consentie. Entre traction et attraction, ils ne visent pas le pouvoir sur l’autre, mais plutôt le pouvoir avec l’autre.
« Une écriture acrobatique dépouillée, brute, rude, non conventionnelle. » Stéphanie Barrioz, Télérama - TT
Durée : 35 minutes
En partenariat avec le Centre culturel suisse à Paris
YIN ZÉRO de la compagnie Monad
Samedi 17 juillet 2021 à 15h - Tarif B
Inspiré du tai chi, de la danse derviche, de l’hypnose et du jonglage contemporain, le duo masculin happe le public dans une étrange expérience oscillant entre deux états extrêmes, transe et maîtrise de soi. Une invitation à traverser la frontière entre les mondes depuis son fauteuil. Belle, épurée, émouvante, cette relation entre les deux artistes repose à la fois sur leurs spécificités et sur leur complémentarité.
« Tels le Yin et le Yang, deux derviches tourneurs sont emportés dans une ronde sans fin. Avec précision et délicatesse, ils manipulent des balles de jonglage contact, points lumineux au cœur du mouvement. » Le Parisien
Durée : 25 minutes
En partenariat avec la Maison des Jonglages
Chroniques du rebond d'Éric Giraudet
Dimanche 11 juillet à 14h et 17h30 - Entrée libre - Inscription sur place
Éric Giraudet, né en 1983, vit et travaille à Amsterdam. Ses œuvres prennent différentes formes : installations, sculptures, performances ou vidéos, qui traitent, non sans humour, d’expériences empiriques mêlées de recherches historiques, ésotériques ou scientifiques poussées. Il crée ainsi des récits, dont la proposition de « Chroniques du rebond », une performance déambulatoire et participative au Carreau du Temple. Du jeu de balle Maya à la boîte à outils magique que constitue le lieu de la performance, l’artiste parcourt l'histoire du rebond, menant le public à une réflexion métaphysique ; comment bien chuter, et mieux se relever, au propre, comme au figuré ?
Durée : 45 minutes
Durant le Festival Jogging, découvrez des spectacles et performances ludiques et stimulants qui célèbrent les liens arts et sport !
SOOO POP, ce sont des soirées au cours desquelles la chanteuse Cléa Vincent accueille trois artistes de la scène pop française. Un artiste repéré et expérimenté, deux jeunes artistes émergents pour 1h30 de live inédit et d’interview intimiste.
Comme à la maison, Cléa Vincent accueille trois artistes de la pop française à chaque édition pour une soirée-concert. Né de son émission dédiée à ses chouchous de la chanson, son rendez-vous en direct au Carreau du Temple est devenu un incontournable du genre.
SOOO POP, ce sont deux jeunes artistes émergents et un artiste reconnu pour 1h30 de musique live et d’interview intimiste, le tout orchestré par Cléa Vincent. Dans une ambiance chaleureuse et pétillante, rétro et conviviale, Cléa Vincent invite le public à assister à ces rencontres exclusives, à partager en direct ces moments uniques avec les interprètes et musiciens qui chantent leur propre répertoire, mais se prêtent aussi au jeu de créer des duos inédits. Ayant déjà compté parmi ses invités Christophe, Philippe Katerine, Lio, Malik Djoudi, Tim Dup, Pirouettes, Vincent Delerm, Voyou, Corinne, Mathilde Fernandez, Arielle Dombasle ou encore Fishbach, SOOO POP réserve bien des surprises en cette nouvelle saison, à découvrir dans l’écrin acoustique du Carreau du Temple.
ARTISTE EN RÉSIDENCE
Par ailleurs, l’animatrice de l’émission SOOO POP continue, pour une deuxième saison, sa résidence au studio son du Carreau du Temple, ce qui lui permet non seulement d’enregistrer ses nouvelles chansons, mais aussi de proposer des rendez-vous publics impromptus au fil de l’année, ou encore de construire, au cours de l’année scolaire, un parcours d’initiation à la composition musicale et à la pratique de la musique en groupe, dédié à des classes de collèges d’Île-de-France.
SOOO POP, ce sont des soirées au cours desquelles la chanteuse Cléa Vincent accueille comme à la maison trois artistes de la scène pop française.