L’Éthique
Il s’agit d’une rencontre entre deux hommes. Pierre est performer et travailleur du sexe. Patrice, plus âgé, est éthicien et philosophe. Ils conviennent d’un troc, une forme d’échange sagesse - jeunesse. Tel est le point de départ de cette performance hybride combinant réflexion éthique et « pas de deux » chorégraphique.
L’Éthique enchevêtre corps et parole : la partition physique se développe en dialogue, dont émergent des images ambiguës, hybrides, fragiles et puissantes, parfois picturales ; la narration discursive mêle considérations philosophiques et récits de vie pour déployer une réflexion autour de l’éthique, des possibilités d’agir et des puissances minoritaires. Ce sont là deux portraits complexes et profonds, dont l’excellente et troublante interprétation de Patrice Desmons et Pierre Emö en fait un objet particulièrement émouvant.
Entre les deux hommes, à l’image de Socrate et de son jeune disciple et amant Alcibiade, il est question de partager un moment de douceur, de sexualité et de philosophie, dans un engagement réciproque. Dans cette interaction très intriquée et bienveillante, d’autres médiums viennent se mêler, la vidéo, le son, dilatant encore l’espace mental et sensible.
► Spectacle inclus dans votre soirée : Dialogue avec Shams - Matthieu Hocquemiller
Avec « L'Éthique », Matthieu Hocquemiller signe un duo masculin d’une tendresse et d’une sensualité si rares qu’on peut ici parler d’audace jaillie de la sincérité !
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Dialogue avec Shams
Une danseuse virtuose, un récit de vie et le tour est joué, proprement hypnotisant. Car il s’agit autour bien de tour, en différents sens : le tour de la danse soufie, cosmique, comme la terre tourne autour du soleil. Du côté gauche, du côté du cœur. Le tour également d’une existence faite de mouvement.
Matthieu Hocquemiller a créé ce portrait performatif pour et avec Rana Gorgani, magnifique danseuse franco-iranienne. La danse soufie, traditionnellement, est une pratique de l’esprit et du corps, qui repose sur la possibilité d’une osmose avec l’univers, en prenant le pas de la rotation du mouvement des planètes. À travers la technique giratoire, son interprète la ressent et la traverse comme un espace de totale liberté, de plénitude et de phase avec son divin intérieur.
Pour Rana Gorgani, cette dimension spirituelle cohabite avec le récit d’une conquête de légitimité, de place, dans un parcours de bi-culturalité. Il n’est donc pas étonnant que le chorégraphe, avide de portraits au travers desquels percent des normes sociétales hégémoniques, friand d’inventer des formes originales pour les transmettre, ait trouvé ici un radieux écho entre cette puissance chorégraphique et le questionnement culturel de Rana Gorgani. Devant les multiples injonctions, stéréotypes et déterminations – de genres et de cultures, entre autres – la danseuse tournoie à l’infini, dans une somptueuse lumière tamisée. Ici Rana Gorgani est à sa place, qui n’en est pas une au sens géographique, mais qui en est bien une au sens physique et existentiel : celle du mouvement, du processus, de la transition.
► Spectacle inclus dans votre soirée : L'Éthique - Matthieu Hocquemiller
Dans « Dialogue avec Shams », Matthieu Hocquemiller imagine une rencontre imaginaire entre Shams, mystique perse errant du XIIIe siècle et grande figure du soufisme et la danseuse iranienne Rana Gorgani, entremêlant ainsi histoire personnelle et réflexion politique sur les parcours migratoires, les rapports de genre et la bi-culturalité !
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La Possession
En partenariat avec le Centre culturel suisse à Paris et le Théâtre Nanterre-Amandiers, centre dramatique national
Dans un monde d’une froideur clinique, une femme en détresse s’essaye à une expérience : se déposséder, se déprendre, se désincarner pour migrer dans une autre forme. Peut-on avoir peur au théâtre comme au cinéma ? De prime abord réaliste, La Possession bascule insidieusement vers la fable horrifique.
Convaincue qu’on lui a jeté un sort, une jeune femme, pour refaire sa vie, tente de s’échapper en se transformant en un rocher, une plante, un animal. S’installe peu à peu un système sorcier hérité de l’univers des contes et du film d’épouvante.
Adossé à ce vecteur fictif de colonisation d’autres corps, qu’abondent de nombreuses références cinématographiques, le quatuor d’interprètes évoque la peur d’être remplacé, l’envie de l’autre ou d’être l’autre... Témoignant d’une dérive vers un monde de science-fiction, où se creuse le fossé entre nos aspirations profondes et les injonctions politicosociales, François-Xavier Rouyer en appelle à notre énergie vitale, nous enjoint à regarder, à la marge des emblèmes de la réussite capitaliste, d’autres voies et modèles possibles.
Dans cette pièce de théâtre à la limite de la fable horrifique et de la science-fiction, François-Xavier Rouyer explore l’altérité et nous enjoint à regarder, à la marge des emblèmes de la réussite capitaliste, d’autres voies et modèles possibles.
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Diverti Menti
Diverti Menti renouvelle avec intelligence l’approche de la composition scénique.
Un long filet de sable blanc se déverse voluptueusement sur le plateau, tel un sablier abstrait, unilatéral, impossible à retourner. Le corps dansant apparaît d’emblée comme un instrument au même titre que le piano à queue, la guitare électrique et le tuba. Ainsi naissent les joutes entre musiciens et danseuse, qui n’hésitent pas à converser des yeux, tissant un autre réseau, rare en chorégraphie, celui du regard.
Les mouvements giratoires de la danse répondent à une polyphonie effrénée ; chaque posture, chaque élancement est d'une précision implacable, quasi-mathématique, comme souvent chez Maud Blandel, or le geste n’en revêt pas moins une exquise délicatesse, une sensualité jusqu’au bout du pied qui se pose au sol. Musique et danse dialoguent, sons et mouvements s’accordent pour devenir un ensemble inextricable, jusqu’à ce que le corps devienne musique et la musique, danse. C’est un corps entier, qui s’agite, s’arrête, reprend, respire. Diverti Menti diffuse une grâce et une beauté qui rendent hommage à l’un des génies de l’histoire de la musique et qui, en creux, semblent murmurer de ne pas oublier de se divertir (au sens du latin : se laisser détourner de ses habitudes). Un ravissement.
Savoureuse réorchestration du célèbre Divertimento K.136 de Mozart pour un quatuor inédit – trois solistes de l’Ensemble Contrechamps de Genève et la stupéfiante danseuse Maya Masse !
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Dans le Mille
En partenariat avec L'étoile du nord, dans le cadre du festival Avis de Turbulences
Bo / Kevin Jean n’en est pas à son galop d’essai en matière d’écriture scénique alternative aux codes hétérosexuels dominants, participant du renouvellement des imaginaires. Dans ce trio, Bo / Kevin Jean convoque des danses rarement interprétées par des personnes assignées hommes à la naissance, en explorant des éléments de l’univers de l’érotisme à rebours de la répartition genrée des rôles – la femme séduit, est regardée ; l’homme regarde, est séduit.
En 2019, La Poursuite du Cyclone irradiait une colère enfouie mais vibrante, métissant dans sa danse les questions de l’intime et du politique. Dans le mille commence là où s’arrête La Poursuite du Cyclone. Ce nouvel opus, tout en poursuivant une quête de formes performatives alternatives, puise dans un autre registre émotionnel que celui de l’exaspération ; l’affirmation d’un refus : être un homme.
Au coeur de cette performance, le chorégraphe part de ses expériences pour examiner les enjeux de l’exposition de son corps propre et de celui de ses partenaires, chacun dans sa zone de puissance. Dans le mille met parallèlement en échec le schéma binaire entre masculinité et féminité, en choisissant l’opposé de la « virilité » : la vulnérabilité, la sensibilité, le don de soi, drainant ainsi une nécessaire transformation des représentations.
Avec « Dans le mille », Bo / Kevin Jean ouvre l’hypothèse d’un soulagement des comportements pré-dévolus aux femmes comme aux hommes !
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S’élever c’est d’abord être à terre
Dans le cadre des Rencontres inattendues, plus de 80 œuvres du Fonds d’art contemporain - Paris Collections s’exposent dans plus de 50 lieux du quotidien dans tout Paris, pour provoquer la rencontre entre le grand public et des œuvres de ce patrimoine commun encore peu connu. Ces œuvres sont à découvrir en bas de chez soi, du 4 octobre au 15 décembre 2021.
À cette occasion, l’installation vidéo - performance S'élever c'est d'abord être à terre, de Ludivine Large-Bessette et Mathieu Calmelet est visible au Carreau du Temple, le samedi 27 novembre, de 11h30 à 16h30.
Alors que le vide-greniers se tiendra dans la Halle du Carreau du Temple, les visiteurs·euses et curieux·euses pourront découvrir l’installation vidéo - performance de ces deux artistes dans l'espace -1 (sous-sol). L’installation vidéo est participative, le public pouvant l’activer avec de la réalité augmentée. Deux fois dans la journée, une performance de Mathieu Calmelet et Ludivine Large-Bessette investira l’installation vidéo.
L'installation vidéo
S'élever c'est d'abord être à terre détourne les codes du retable d'église. À la cérémonie religieuse est substituée la cérémonie artistique, la performance des corps, qu’ils soient représentés sur les écrans vidéo et les tablettes tactiles ou performants dans l'installation. Ce polyptyque vidéo - performance propose une autre lecture de la composition traditionnelle du retable et étudie ainsi les modes de représentation et le poids des symboles dans notre société contemporaine saturée d’images. Par l’utilisation de la danse contemporaine et de la réalité augmentée, l’œuvre engage le corps des spectateur·trice·s dans une déambulation contemplative et ludique.
L'œuvre vidéo S'élever c'est d'abord être à terre, a été acquise en 2021 par le Fonds d’art contemporain - Paris Collections. L'œuvre est exposée pour la première fois depuis son acquisition par la Ville sous la forme d’une installation vidéo participative avec réalité augmentée et performance.
La performance
Les artistes investiront l'installation vidéo à l'occasion de deux performances :
- 1ère performance : 14h30 (durée : 25 minutes)
- 2ème performance : 16h (durée : 25 minutes)
Les artistes
Ludivine Large-Bessette (née en 1987, Fontainebleau, vit et travaille à Paris) s'intéresse au corps et à ses représentations. Elle a multiplié les collaborations avec des danseurs qu'elle a filmés et invités à diverses formes de performance en dialogue avec ses vidéos.
Co-auteur du projet, Mathieu Calmelet (né en 1986, La Tronche, vit et travaille à Roubaix) est chorégraphe-interprète et musicien.
Une installation vidéo participative, accompagnée de performances live, pour interroger notre relation aux images, aux symboles et aux icônes !
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Le Souper
En partenariat avec le Centre culturel suisse à Paris
Comédienne, performeuse, ventriloque, transformiste d'exception, Julia Perazzini imagine un dialogue avec son frère décédé. L'artiste invoque et désamorce sa propre peur de la mort pour l'offrir en miroir aux spectateurs et, une fois n'est pas coutume, l'envisager comme une puissance d’activation du vivant.
En conversant avec l'absent, Julia Perazzini élabore une déroutante alchimie entre souffle, corps et voix, qui réveille notre relation avec l’invisible, l’irrationnel, donne la parole aux recoins endeuillés ou figés de nous-mêmes. Elle méduse l'étrangeté, voire la légitimité, de la frontière entre ce qui est dit « absent » et dit « présent ». Pouvons-nous transgresser les règles des possibles connexions entre les êtres ? Il y va de la constitution d'un « nous ».
Elle n'a pas connu ce frère, disparu avant qu'elle ne naisse. C'est ainsi dans un grand vent de liberté formelle, mais avec pudeur et délicatesse, que l'artiste s'autorise à rêver que la vitalité de son frère pourrait réinsuffler de la vie là où les choses sont gelées, révélant ce terreau créatif et incorruptible de nos parties enfouies. Passé et présent, conscient et inconscient se cognent, laissant jaillir par étincelles les failles des mosaïques qui nous composent, tous ces petits « jeux » au sens mécanique qu'explore méticuleusement l'artiste. Sur une scène presque vide se livre un jeu qui flirte avec le « non-jeu », soulignant la finesse de l'écriture, et, surtout, la déconcertante performativité de Julia Perazzini. Une sublimation psycho-magique de nos angoisses.
Artiste d’exception aux multiples talents, Julia Perazzini imagine dans « Le souper » un dialogue avec son frère décédé, transformant notre peur commune de la mort en puissance d’activation du vivant.
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Voix Intérieures (manifeste)
Un danseur, un musicien, une militante activiste, tous trois Congolais. En un triangle de corps et de langages poétiques, ils restituent ces milliers de voix qui bouillonnent à l’intérieur de leur pays sans pouvoir s’exprimer, tant de rêves étouffés dans la brutalité.
À l’appui des mouvements citoyens exigeant les droits les plus élémentaires - la mise à disposition d’eau et d’électricité pour tous, la protection, l’éducation, le vote libre (et non truqué), la fin de l’enrôlement forcé d’enfants dans l’armée pour dénicher des matières premières -, Yves Mwamba s’offusque à voix haute contre le mépris des dirigeants du Congo. C’est un hommage au militantisme d’une jeunesse engagée mais bafouée, pacifiste et déterminée, non violente et pourtant brûlée vive. Dialoguant avec l’espace scénique qui évolue comme au fil d’une marche militante, les trois performers convoquent et dévoilent, dans les entrelacs des cordes vocales, dansées et musicales, un contexte politique désastreux.
Yves Mwamba fait bouger des corps pour pallier aux mots qui manquent, avec son vocabulaire chorégraphique teinté de krump, de sa danse ténébreuse et solaire, rugueuse et sulfureuse.
Sur une création sonore composée d’ambiances et de voix recueillies au Congo, ce surprenant trio insuffle une énergie vibrante, une cohésion vitale, qui résonnent avec une richesse humaine universelle : la persévérance à se tenir debout.
Dans sa création « Voix intérieures (Manifeste) », le chorégraphe Yves Mwamba convoque un danseur, un musicien et une militante activiste pour un manifeste contre l’absurdité du monde.
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Je rentre dans le droit chemin …
Dans le cadre de Danse Dense #lefestival
Nom complet du spectacle : Je rentre dans le droit chemin (qui comme tu le sais n'existe pas et qui par ailleurs n'est pas droit)
Pourquoi, quand et comment la nudité a-t-elle un sens sur scène ? Enfin, un chorégraphe défie frontalement la question, sans détour ni métaphore, dans une forme pétillante, entre fausse conférence et danse vraie.
Dans le droit chemin de sa première pièce Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver, présentée au Carreau du Temple en 2018, Sylvain Riéjou poursuit son exploration vidéo-chorégraphique de l’acte de création en partageant l’intimité de ses questionnements d’artiste.
Publiée sur Internet en 2010, sa vidéo-danse Clip pour Ste Geneviève, pourtant chaleureusement accueillie par le public lors de festivals de danse, tombait sous le joug d’une interdiction de circuler sur la toile. Législateur : Dailymotion. Motif invoqué : caractère pornographique.
S’est alors dessinée une interrogation sur les paradoxes de la représentation du corps dans l’art et dans la publicité : pourquoi un corps donné à voir dans toute sa vérité, donc nu, sur un plateau, dans une visée artistique, choque-t-il bien davantage - les enfants comme les adultes - que toute vidéo aux allusions clairement sexuelles, à but commercial ?
Imposant challenge pour un interprète qui a mis des années à abdiquer devant le fantasme de l’Apollon athlétique et ténébreux pour accepter son corps blanc, mince et imberbe, ce nouveau solo tente de démêler la confusion fossile entre nudité et obscénité.
Dans un climat chatoyant d’autodérision, déjouant le parfum de scandale que suscite le nu, Sylvain Riéjou propose son lexique du dénuement et le met en pratique avec son propre corps pour mettre en évidence que c’est là l’acte le plus engagé et engageant du danseur. Il nous rappelle, avec une étonnante pudeur, que toute création artistique est intrinsèquement une mise à nu.
Avec « Je rentre dans le droit chemin... », Sylvain Riéjou défie la question de la nudité sur scène, entre fausse conférence et danse vraie !
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VACA
Dans le cadre de Danse Dense #lefestival
Fable écologique à la fois documentaire et fictionnelle, Vaca sonde les paradoxes de la figure de la vache, à la fois bucolique et ancestrale, mâcheuse et triviale. Paysage dansé et mental, la pièce pose la question du vivant réduit à l’état de matière et met à jour une dialectique de temporalités : celle de l’animal, organique, vécue, non spectaculaire, et celle de l’homme, organisée, mécanisée, mise en scène. Comment force-t-on un corps à se standardiser en bouts de viande ?
Star du salon de l’Agriculture, éminemment présente dans la mythologie, l’art, le rayon boucherie du supermarché et divers concours, la vache est partout. Vaca s’appuie sur l’animal millénaire, emblème de l’emprise de l’homme sur le vivant, ici vénéré, là abattu, pour investir une étude plus large sur le rapport de l’homme à la nature. Ethologie dansée de la vache pour en tirer le portrait d’un être, d’une temporalité, d’une sensation, le duo propose un regard aussi discursif que sensible.
Les danseuses expérimentent, déploient et traversent des états de corps emprunts de lenteur, apathie, et échos de mouvements, d’une part, glissant vers la mécanisation et le rythme cadencé d’autre part. La succession de tableaux, dont une line dance inspirée du folklore cow-boy induit les interprètes dans une connivence implicite - telles des vaches dans un pré-traversées par ces figures les danseuses dressent subrepticement un parallèle entre le corps de la femme standardisée et celui de la vache.
Fable écologique à la fois documentaire et fictionnelle, Anna Chirescu élabore dans « Vaca » une écriture chorégraphique partant d’une observation minutieuse de la physicalité animale, et puise dans des sources théoriques, visuelles et sonores sur et autour de la figure de la vache.
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