Corps exquis

Il s’agit de composer une œuvre collective, en partie à l’aveugle, chaque artiste y allant de son mot ou de son dessin en l’enchaînant avec celui du précédent, partiellement caché au creux d’un pli. De quoi (re)découvrir une brillante palette des talents de la scène d’aujourd’hui !

Pièce pour trois danseurs, ou solo à trois corps, Corps exquis questionne l’acte de transmettre, dans un foisonnement de signatures d’artistes de renom, une abondance d’accessoires, de masques et de costumes hauts en couleurs, un bain de musiques variées. Dans ce projet qui aura exigé neuf ans de construction au total pour Joanne Leighton, chaque chorégraphe a créé un module d’une minute en s’appuyant sur les dix dernières secondes de la séquence écrite par le chorégraphe précédent, Joanne Leighton ayant impulsé l’idée et la chaîne, proposant l’incipit de la pièce.

Sous sa baguette, la combinaison des soli s’est transformée en partition dansée pour trois interprètes de la compagnie WLDN. Au jeu chorégraphique de la passation du relais, la danse répond par la transmission des gestes d’un corps à l’autre. Et quand s’imbriquent intelligemment des plumes aussi diverses en genres, références, âges et cultures que celles de Phillip Adams, Stéphanie Aubin, Simone Aughterlony, Marianne Baillot, Kimberly Bartosik, Martin Bélanger, Dominique Brun, François Chaignaud, Youngsoon Cho Jaquet, Rosalind Crisp, Ugo Dehaes, Mélanie Demers, Danièle Desnoyers, Herman Diephuis, Stefan Dreher, Radhouane El Meddeb, Myriam Gourfink, Caroline Grosjean, Lucy Guerin, Mia Habib, Christophe Haleb, Trajal Harrell, Ame Henderson, David Hernandez, Lionel Hoche, Marie-Caroline Hominal, Sandra Iché, Petter Jacobsson, Heather Kravas, Latifa Laâbissi, Aude Lachaise, Fabrice Lambert, François Laroche Valière, Daniel Larrieu, Joanne Leighton, Maud Le Pladec, Daniel Linehan, Faustin Linyekula, Mark Lorimer, Angels Margarit, Marlene Monteiro Freitas, Mickaël Phelippeau, Arco Renz, Alban Richard, Hervé Robbe, Carlotta Sagna, Caterina Sagna, Philippe Saire, Kosei Sakamoto, Zoé Scofield, Ambra Senatore, Misook Seo, Morgan Thorson, Stéphanie Thiersch, Mark Tompkins, Emmanuelle Vo-Dinh, Uiko Watanabe, Michael Whaites, alors l’exercice de style s’affranchit de l’exercice pour gagner en style. Une pièce unique en son genre.

Pour en savoir plus sur le travail de Joanne Leighton et la genèse de la création de Corps exquis, nous vous invitons à lire l'entretien qu'elle a accordé à Maculture.fr : cliquez ici

« Corps exquis », œuvre collective où pas moins de 58 chorégraphes, dont Joanne Leighton, artiste chère au Carreau du Temple, se sont mis au travail pour transposer en danse le procédé ludique et artistique du cadavre exquis inventé par les surréalistes dans les années 20 !

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Aberration

« Aberration » s’inscrit dans l’étude chromatique commencée en 2017. Cet égarement chorégraphique offre cette fois-ci la possibilité de redéfinir la forme et la couleur en commençant par questionner le blanc, ce « rien avant tout commencement » qui, comme le dit aussi Kandinsky, « regorge de possibilités vivantes ».

Corps blanc sur fond blanc. Parmi des objets blancs, sur un tapis blanc, un homme vêtu de blanc influe sur son environnement, y évolue, y danse... Le paysage monochromatique ouvre alors un étonnant nuancier de sensations.

L’univers pictural, au sein duquel les tableaux mouvants mêlent matières dansées et chorégraphie du décor, s’appuie ici sur la notion d’aberration d’optique, laquelle provoque des déformations géométriques et chromatiques qui enrichissent la perception de l’image recomposée. À ces impressions hypnotiques et persistances rétiniennes se conjugue une création musicale captivante, une électro harmonique aux accents baroques, la pureté de l’orgue s’habillant si bien de blanc...

Aberration est au-delà d’un solo doublé d’une installation, tant les textures sonores et plastiques - le papier, le métal, le tissu - tant la création lumière, dotée de diverses sources : projecteurs, leds, réflecteurs, sont autant d’interprètes, au même titre que le danseur, au sens de vecteurs d’interprétation de tout ce blanc. Fragmentaire et liée, la structure chorégraphique sous-tend une danse qui, par son éclectisme, de la plus minimale à la plus expressionniste, nous rappelle que le blanc est le spectre de la lumière de toutes les couleurs.

La divagation chorégraphique d’Emmanuel Eggermont invite ainsi chaque spectateur à déceler les multiples nuances qui habitent le champ chromatique du blanc et à y projeter tout un panel de visions et de couleurs fantasmées.

Pour aller plus loin sur le processus de création du spectacle, lire l'entretien d'Emmanuel Eggermont accordé à maculture.fr ici.

Partie manquante de son étude chromatique, “Aberration” d'Emmanuel Eggermont redéfinit la forme et la couleur en questionnant le blanc.

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Scènes étranges dans la mine d’or

En partenariat avec la Maison des Jonglages, scène conventionnée Jonglages à La Courneuve, dans le cadre de la 15e édition du festival Rencontre des Jonglages

Avec une conscience aiguë du corps dans son rapport à l’espace et au temps, Elsa Guérin développe une écriture du jonglage et du cirque minimaliste et sensible, à la lisière d’autres arts. Prenant sa source dans les pratiques muettes du jonglage, puisant aux racines du geste jonglé et de ses similarités avec d’autres pratiques physiques - danse, sport, yoga -, l’artiste esquisse avec ce trio une archéologie de la représentation du corps, en particulier du corps féminin. La pièce se nourrit et parle aussi d’une archéologie plus intime, du souvenir personnel et des survivances du passé dans l’acte de création.

Avec un récit en voix off qui se superpose à l’acte physique, la pièce joue des coïncidences ou des désynchronisations entre ce qui est vu et ce qui est dit, mettant en lumière la perception trouble du souvenir et célébrant la joyeuse et onirique confusion entre réel et imaginaire. À la poursuite de la métaphore du drame humain, Elsa Guérin actualise ici le potentiel chorégraphique et dramatique du jonglage en l’articulant au rapport des corps entre eux et avec les objets, ainsi qu’à la beauté du geste, tout simplement.

D’après une peinture murale de l’Égypte antique représentant trois jongleuses de balles, Elsa Guérin tresse un poétique canevas de corps jonglant et dansant, frayant un chemin très personnel entre documentaire et récit intime.

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Xamûma fane lay dëm (Je ne sais pas où je vais)

Amala Dianor (chorégraphe) & Denis Lachaud (écrivain)

Amala Dianor, danseur hip hop, néo-classique, contemporain et afro-contemporain passant d’une technique à l’autre avec virtuosité, et Denis Lachaud, écrivain, metteur en scène et comédien, entrent en scène avec la langue comme sujet de curiosité. Les mots et les gestes, les sons et les couleurs, les odeurs, les matières, les symboles, les émotions : tout nourrit notre façon de nous exprimer. Et quand deux personnes se rencontrent, elles élaborent une langue commune, une langue pour communiquer, mais aussi pour créer ensemble.

Dans le cadre du festival Concordan(s)e

La marque de fabrique de Concordan(s)e est de provoquer des rencontres inédites entre un chorégraphe et un écrivain puis d’en diffuser les travaux écrits à quatre mains. Pour cette dernière édition, le Festival invite des duos qui ont marqué son parcours à présenter leur création originale, ou bien à la revisiter d’un nouveau geste. Fort d’une activité constante et généreuse à l’attention de tous les publics, via une politique de résidences de création ouvertes, d’itinérance, d’actions culturelles et d’ateliers autour des écritures croisées, Concordan(s)e permet, une dernière fois, de découvrir une plume et une approche de la danse en un acte artistique commun.

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L’incognito

Fabrice Lambert (chorégraphe) & Gaëlle Obiégly (écrivaine)

Au rythme d’une respiration, au doux son des mots, un homme et une femme tentent de se scanner réciproquement, d’« éprouver la nature sauvage des origines ». Dans un espace commun, chacun est dans son corps et chaque corps a ses organes propres. L’étrangeté de la danse et l’incongruité du dialogue mettent en abyme et en boîte la question de l’expression, notamment de l’expression artistique. Fabrice Lambert, artiste incontournable de la danse contemporaine, amoureux des croisements entre les disciplines, et Gaëlle Obiégly, écrivaine s’imposant par sa plume précise et personnelle, élaborent ici un intrigant essai en mouvement sur le mystère de l’autre et des intersections possibles entre deux sphères intimes.

Dans le cadre du festival Concordan(s)e

La marque de fabrique de Concordan(s)e est de provoquer des rencontres inédites entre un chorégraphe et un écrivain puis d’en diffuser les travaux écrits à quatre mains. Pour cette dernière édition, le Festival invite des duos qui ont marqué son parcours à présenter leur création originale, ou bien à la revisiter d’un nouveau geste. Fort d’une activité constante et généreuse à l’attention de tous les publics, via une politique de résidences de création ouvertes, d’itinérance, d’actions culturelles et d’ateliers autour des écritures croisées, Concordan(s)e permet, une dernière fois, de découvrir une plume et une approche de la danse en un acte artistique commun.

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Sa bouche ne connaît pas de dimanche

Il y a des pièces qui, tout à la fois, persistent au fond de nos rétines, restent gravées dans nos cœurs et bousculent définitivement notre approche de la société contemporaine. Ce duo abrasif, intime, viscéral, diablement drôle et allégorique, en fait partie.

La première image donne le ton : sur le plateau, piscine gonflable, tapis rose, tenues vestimentaires extravagantes et, très vite, un cochon, de ceux que l’on élève et abat en Bretagne, et que l’on célèbre, à table, à Noël en Martinique, importés par les premiers colons. À l’appui d’un texte aussi cinglant que poétique, criblé de savoureuses pépites, et d’un jeu performatif avec de faux matériaux : faux sang, fausses mailles, fausse fourrure, et une matière vraie et bien vraie, organique : eau, viande, pigment, Rébecca Chaillon en bouchère butch et Pierre Guillois en Christ gay nous embarquent dans un joyeux délire... pas si saugrenu qu’il n’y paraît.

Au départ, ils se sont amusés à coécrire leurs parcours respectifs. À l’origine de Rébecca, la Martinique. À l’origine de Pierre, la Bretagne. Mais Rébecca prend conscience qu’elle est noire et Pierre, qu’il est homosexuel. Dépliant les couches de la genèse de leurs personnes, ils dénudent leur rapport ambigu au catholicisme, au sacré, à la pureté. La chair vient tout naturellement souder ces questionnements, celle de l’animal, celle que l’on mange, celle qui cristallise le paradoxe entre plaisir du goût du sang et sentiment de culpabilité de la tuerie nourricière. Créatures divines et personnages profanes, les deux artistes invoquent aussi la société dont ils rêvent.

« Sa bouche ne connaît pas de dimanche », une fable déjantée au pays des faux semblants où Rébecca Chaillon et Pierre Guillois se racontent et tombent les masques !

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Bermudas

Haute en couleurs et subliminale, mathématique et euphorisante, structurée et fantasque, l'œuvre tout en contrastes du chorégraphe italien est parcourue de vibrations proprement organiques et charnelles, qui émanent pourtant d'une partition écrite au cordeau.

Bermudas (Les Bermudes) propose à un nombre variable d'interprètes un organisme gestuel fondé sur des règles simples et rigoureuses produisant un mouvement perpétuel. Ici, sept danseurs-performers se livrent à cet énigmatique exercice pour en diffuser toute la poésie. La tonicité et la diversité générationnelle des interprètes donnent ampleur et fraîcheur à ces mouvements giratoires aériens, parfois télescopiques ou télescopés. La danse habite une création lumière qui met en valeur les ombres portées, et un univers sonore électro envoûtant, tantôt indus et minimal, tantôt planant.

Pour créer ce véritable écosystème chorégraphique, Di Stefano s'inspire des théories du chaos et des systèmes évolutifs de la physique et de la météorologie. Sa pièce ouvre un lieu mystérieux, complexe et fascinant, chargé de tensions relationnelles, une dimension énergétique d'une rare intensité. Les Bermudes... Ici, point de curieuses disparitions, mais, il est vrai, une forme de distorsion spatio-temporelle et un champ magnétique particulièrement dense.

Un langage dansé se tisse entre les interprètes, dont la syntaxe posturale, dans un espace inclusif et perméable, permet à chacun de trouver sa place et d'entrer dans une troublante communication.

Le spectacle a reçu de nombreux prix dont celui de la meilleure production italienne et du meilleur spectacle de danse 2019.

Chorégraphe vibrant de la scène italienne contemporaine, Michele Di Stefano base son spectacle « Bermudas » sur un système de règles simples et rigoureuses produisant un mouvement perpétuel, les danseurs-performers y composent un lieu à l’énigmatique poésie chargé d’intenses énergies.

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Sur le Carreau

Dans le cadre du Festival Faits d'hiver

Le monde est touchant

Il est trop

Less is more

Le malheur du monde, c’est l’éparpillement des individualités, la perte de la communauté. Sous la menace venant d’ailleurs et de partout (le virus), une communauté s’est rassemblée. Dès le 19 septembre 2020, la première rencontre au Carreau du Temple, j’ai proposé : « Nous ne sommes pas du tout sûrs de nous revoir, alors considérez cette séance non comme une « répétition », mais comme une « représentation ». » C’est une méthode — elle vient de Klaus Michael Grüber — que j’utilise souvent, plus ou moins bien comprise, mais dans le contexte, ici, elle l’a été. C’est ce qui fait pour moi la merveille absolue de ce travail. Dès le 19 septembre, les amateurs ont donné une « représentation » dont j’ai été le seul pince-moi-je-rêve, le seul témoin. Dès la séance suivante, j’ai fait venir des amis parmi lesquels Dominique Issermann pour que d’autres que moi en témoignent. Toutes les activités locatives de la Halle ayant été suspendues, nous avons pu tout l’hiver « jouer » ce spectacle avec des participants amateurs rejoints peu à peu par des solistes professionnels. Ça s’est fait avec « presque » tout le monde. Une abolition de la frontière spectateurs/danseurs. Nous nous sommes arrêtés le 31 janvier où nous avons pu officiellement donner une représentation pour les « pros ». Saurons-nous faire écho, résonance, exactement un an après, à ce qu’il s’est passé de miraculeux ? Cette fleur du paradis sera-t-elle restée dans nos mémoires ou bien tout aura repris comme avant, la course vers le mur, la chute de la falaise, le suicide consumériste ?

Yves-Noël Genod

Extrait de la note d’intention de l’an passé (juin 2020) :

« Ce spectacle hors de nos rêves, je voudrais qu’il naisse aussi de la grande Halle du Carreau du Temple, de la matrice de l’architecture à l’état vacant, disponible comme un poème. Il faudrait se donner le droit de se baigner dans le « sentiment océanique du monde » 1. Nous sommes des babouins, dit le philosophe 2. Il ne nous faut que le paradis. Quelque gazon de territoire. Il faut nous toucher, nous épouiller car on dit qu’à nous isoler nous perdons de notre intelligence. Il faudrait des danseurs capables de contaminer les foules : la virtuosité que je recherche est celle qui se mélange. Qu’est-ce qu’a dit le Président ? « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Eh bien, nous traverserons cette « gare » avec alacrité parce que nous pensons que personne n’est vraiment quelque chose ou si peu. Il y a une très belle phrase de Barbara. Dans une interview, on lui parle de son talent et elle s’exclame : « Mais qu’est-ce que c’est que le talent ? Est-ce que ce n’est pas entrer en scène et sourire ? » C’est l’aventure d’une promesse de reterritorialisation de la solitude déchirante. Poème du lieu. Je ne maîtriserai pas ce qui va se passer. Non-maîtrise de ce qui va se passer. C’est tout ce qu’on se souhaite profondément dans la vie, vivre le réel, l’expérience, plutôt que, par exemple, cette manipulation des réseaux dits sociaux. Babouins, nous n’avons pas dit le dernier mot. »

Performer, danseur, chanteur, chorégraphe, metteur en scène et auteur parmi les plus prolifiques et atypiques de la scène française, Yves-Noël Genod se saisit de l’immensité de la Halle du Carreau du Temple pour y créer, avec une centaine de participants sans expérience ou très expérimentés, un spectacle minimaliste de danse à l’échelle démesurée d’un rêve.

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