Yin
Inspiré du tai chi, de la danse derviche, de l’hypnose et du jonglage contemporain, le duo masculin happe le public dans une étrange expérience oscillant entre deux états extrêmes, transe et maîtrise de soi. Un moment de poésie dansée-jonglée ensorcelant.
Toupies hallucinantes, deux corps tournoient à vive allure, dans une ivresse corporelle qui cherche les limites du jonglage. Dans leur danse au rythme crescendo, atteignant une cadence impressionnante, chacun des deux interprètes porte une balle blanche, laquelle se déplace ou s’immobilise selon leur axe de rotation, par la force centrifuge. Les corps tournent sur eux-mêmes jusqu’au vertige.
Telle une méditation active, une métaphore vivante du mouvement des planètes en orbite autour du soleil, leur danse et leur jonglage se situent dans une approche dynamique de la vie qui distingue des éléments asymétriques mais égaux pour mieux les réunir.
Belle, épurée, émouvante, cette relation entre les deux danseurs, reposant à la fois sur leurs spécificités et sur leur complémentarité, nous rappelle que deux forces qui paraissent antinomiques, y compris les énergies humaines, se soutiennent l’une l’autre dans la puissance de la synergie.
Dans ce duo de danse derviche et de jonglage, le public partage l’expérience de la rotation depuis son fauteuil
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Les promesses de l’incertitude
Modalités de remboursement : Suite aux mesures gouvernementales et à l'annulation du spectacle, vous pouvez procéder à une demande de remboursement. Merci de contacter la billetterie : billetterie@carreaudutemple.org
Dans une large palette de beiges composée de cartons, de cordes, de bois et de poids déambule la silhouette aussi fébrile qu’agile de Marc Oosterhoff. Entre danse et cirque, sa performance semble déjouer les lois de l’apesanteur, nous défiant de comprendre tout ce monde en suspens.
Explorateur naïf d’un écosystème aux règles étranges, un personnage désarticulé y cherche son chemin et son équilibre, se promenant parmi d’improbables bascules, auxquelles répondent des nappes sonores cosmiques, cinématographiques ou industrielles créées au plateau par le musicien Raphaël Raccuia.
Doué d’une poétique corporelle et d’un sens du burlesque, le performer se frotte aux ressorts premiers du cirque, fondés sur les « promesses » tacites des interprètes : un lanceur de couteaux se doit d’atteindre sa cible, un dompteur de fauve, de ne pas se faire dévorer, un funambule, de rester sur son fil. Les Promesses de l’incertitude explore l’essence même de l’attention que porte le public à cette lutte entre deux forces sur scène, en pariant que la tension précédant l’action est plus intéressante que l’action elle-même, en ce qu’elle contient toutes ses potentialités et laisse le spectateur libre de les imaginer. À rebours de ces promesses, la danse, qu’elle soit expressive ou stylistique, incarne l’instant présent, la liberté, ne donne rien d’autre à attendre que l’inattendu. Le duo compose ici une forme rare d’art vivant mixte autour de la préciosité de l’incertitude.
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Eighteen
Il a sans doute fallu du courage à Thierry Micouin et à sa fille de 20 ans pour se livrer sur le plateau au récit de leur relation entre père danseur-chorégraphe et fillette puis adolescente. Et il faut indiscutablement bien du talent pour le faire avec autant d’humour, de tendresse, de panache, et accéder ainsi à cette brise de vérité, si revigorante !
Dans une intrication de médias : danse, texte, vidéos, théâtre, et même un croustillant jeu des sept familles revisité, le père et sa fille, avec l’énergie de leur amour filial, dévoilent l’intimité d’un parcours qu’ils ont à la fois vécu ensemble et différemment. Assumant le ton de la confidence, la fraîcheur d’une « première fois où l’on se dit tout », le duo nous raconte, par le geste dansé et par la voix, ses questionnements passés, contigus ou respectifs, ses découvertes, ses moments-clés. La première audition, la triche sur l’âge dans un C.V., la Cour d’Honneur au Festival d’Avignon, les lettres de spectatrices, les non-dits sur l’homosexualité du père... tandis que la fille savait. Très loin de l’autofiction adressée aux publics dits « avertis », Thierry Micouin, en invitant sa fille à donner en partage son regard innocent d’enfant, fait ici un joli pied de nez au préjugé dévolu à l’ego des artistes, et, dans les entrelacs de sa propre trajectoire, dresse en toute modestie un petit panorama de l’histoire de la danse contemporaine.
Drôle, pétillant, touchant, emmené d’un peps étourdissant, ce spectacle se double d’un témoignage, celui de l’attachement à l’art et à la vie, et à ce qu’ils ont en commun : la mémoire et la transmission.
« Eighteen » évoque la relation père-fille à travers le vécu de Thierry Micouin et celui de sa fille Ilana, tous deux danseurs et réunis sur scène pour un subtil duo.
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Concrerto
Aina Alegre et David Wampach expérimentent des formes scéniques qui se démarquent par leur expressivité physique autant que par leur inventivité plastique. S’ils se connaissent depuis dix ans et ont déjà travaillé ensemble à plusieurs reprises, CONCRERTO est la première pièce qu’ils conçoivent en binôme. « Mettre en commun, s’associer, critiquer, assumer nos points de convergence et de divergence » : tels sont les partis pris sur lesquels se fonde leur relation créatrice. Mue en profondeur par la dynamique excessive propre au style baroque, la pièce CONCRERTO prend la forme, continûment imprévisible, d’une pièce hors normes qui mobilise – à importance égale – le son, la voix et le corps en tendant tout du long vers un état d’abandon explosif et jubilatoire. Coexistant au sein d’un espace commun, ouvert au possible, quatre interprètes masculins déploient une profusion de mouvements et de sons affranchis de tout lien de subordination. Alliage de morceaux et de situations disparates « qui proclament l’exagération, l’emphase et le contraste », CONCRERTO ne peut se ranger dans aucune catégorie bien définie. Traversée de multiples flux énergétiques et vouée intrinsèquement au débordement, la pièce fait jaillir de saisissants états physiques et de puissants éclats sonores.
- Texte de Jérôme Provencal
Première pièce construite en binôme, CONCRERTO est métamorphose, exagération et exubérance des formes, abandon festif, explosif et jubilatoire.
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Sorry, boys
Sorry, boys s’inspire d’un fait divers qui a défrayé la chronique d’une petite ville du Massachusetts en 2000 : 18 lycéennes de moins de 16 ans décidaient de tomber enceinte en même temps pour élever leurs enfants ensemble.
Le spectacle s’ouvre sur un apparat scénique proprement saisissant, une trouvaille de la brillante scénographe Paola Villani. Dans la pénombre surgissent douze têtes coupées, marionnettes accrochées sur des tableaux comme autant de trophées de chasse. D’un côté, six adultes : parents, directeur et infirmière du lycée ; de l’autre, les pères adolescents. Un flot de SMS versés sur grand écran - que s’échangent les jeunes femmes, invisibles - insuffle une esthétique numérique contrastant résolument avec l’univers de la marionnette, mais qui l’aspire à la dérobée dans sa sphère contemporaine.
Les protagonistes tentent de comprendre les raisons du pacte de maternité entre ces adolescentes. Comment un féminicide dans leur ville a-t-il pu engendrer cette grossesse collective ? Les uns et les autres en débattent, mais n'en restent pas moins cloués au mur.
Dernier épisode d'une trilogie explorant les résistances féminines, Sorry, boys s'inscrit dans un travail politique, à la fois féministe et antifasciste, d'une grande subtilité. Manipulant seule les douze marionnettes, et en assurant, seule aussi, toutes les voix, Marta Cuscunà réalise ici une performance exceptionnelle, au retentissement visuel et sonore indélébile.
Le spectacle est caractérisé par l'utilisation explicite de références à connotation sexuelle.
Une pièce palpitante, au sens propre comme au figuré, dans le fond comme dans la forme.
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Soirée des chorégraphes #7
Vous retrouverez Théophile Bensusan, Nawel Bounar, Clémence Juglet, Akène Lenoir, Johana Malédon, Théo Marion-Wuillemin, Nicole Muratov et Emily Regen, qui présenteront un extrait de leur création sous la direction artistique de Christine Bastin.
À propos des chorégraphes :
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À propos de l’évènement :
Venez découvrir les chorégraphes de la septième promotion de l’incubateur de La Fabrique de la Danse le jeudi 12 mai 2022 à 20h, au Carreau du Temple !
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L’Éthique
Il s’agit d’une rencontre entre deux hommes. Pierre est performer et travailleur du sexe. Patrice, plus âgé, est éthicien et philosophe. Ils conviennent d’un troc, une forme d’échange sagesse - jeunesse. Tel est le point de départ de cette performance hybride combinant réflexion éthique et « pas de deux » chorégraphique.
L’Éthique enchevêtre corps et parole : la partition physique se développe en dialogue, dont émergent des images ambiguës, hybrides, fragiles et puissantes, parfois picturales ; la narration discursive mêle considérations philosophiques et récits de vie pour déployer une réflexion autour de l’éthique, des possibilités d’agir et des puissances minoritaires. Ce sont là deux portraits complexes et profonds, dont l’excellente et troublante interprétation de Patrice Desmons et Pierre Emö en fait un objet particulièrement émouvant.
Entre les deux hommes, à l’image de Socrate et de son jeune disciple et amant Alcibiade, il est question de partager un moment de douceur, de sexualité et de philosophie, dans un engagement réciproque. Dans cette interaction très intriquée et bienveillante, d’autres médiums viennent se mêler, la vidéo, le son, dilatant encore l’espace mental et sensible.
► Spectacle inclus dans votre soirée : Dialogue avec Shams - Matthieu Hocquemiller
Avec « L'Éthique », Matthieu Hocquemiller signe un duo masculin d’une tendresse et d’une sensualité si rares qu’on peut ici parler d’audace jaillie de la sincérité !
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Dialogue avec Shams
Une danseuse virtuose, un récit de vie et le tour est joué, proprement hypnotisant. Car il s’agit autour bien de tour, en différents sens : le tour de la danse soufie, cosmique, comme la terre tourne autour du soleil. Du côté gauche, du côté du cœur. Le tour également d’une existence faite de mouvement.
Matthieu Hocquemiller a créé ce portrait performatif pour et avec Rana Gorgani, magnifique danseuse franco-iranienne. La danse soufie, traditionnellement, est une pratique de l’esprit et du corps, qui repose sur la possibilité d’une osmose avec l’univers, en prenant le pas de la rotation du mouvement des planètes. À travers la technique giratoire, son interprète la ressent et la traverse comme un espace de totale liberté, de plénitude et de phase avec son divin intérieur.
Pour Rana Gorgani, cette dimension spirituelle cohabite avec le récit d’une conquête de légitimité, de place, dans un parcours de bi-culturalité. Il n’est donc pas étonnant que le chorégraphe, avide de portraits au travers desquels percent des normes sociétales hégémoniques, friand d’inventer des formes originales pour les transmettre, ait trouvé ici un radieux écho entre cette puissance chorégraphique et le questionnement culturel de Rana Gorgani. Devant les multiples injonctions, stéréotypes et déterminations – de genres et de cultures, entre autres – la danseuse tournoie à l’infini, dans une somptueuse lumière tamisée. Ici Rana Gorgani est à sa place, qui n’en est pas une au sens géographique, mais qui en est bien une au sens physique et existentiel : celle du mouvement, du processus, de la transition.
► Spectacle inclus dans votre soirée : L'Éthique - Matthieu Hocquemiller
Dans « Dialogue avec Shams », Matthieu Hocquemiller imagine une rencontre imaginaire entre Shams, mystique perse errant du XIIIe siècle et grande figure du soufisme et la danseuse iranienne Rana Gorgani, entremêlant ainsi histoire personnelle et réflexion politique sur les parcours migratoires, les rapports de genre et la bi-culturalité !
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Diverti Menti
Diverti Menti renouvelle avec intelligence l’approche de la composition scénique.
Un long filet de sable blanc se déverse voluptueusement sur le plateau, tel un sablier abstrait, unilatéral, impossible à retourner. Le corps dansant apparaît d’emblée comme un instrument au même titre que le piano à queue, la guitare électrique et le tuba. Ainsi naissent les joutes entre musiciens et danseuse, qui n’hésitent pas à converser des yeux, tissant un autre réseau, rare en chorégraphie, celui du regard.
Les mouvements giratoires de la danse répondent à une polyphonie effrénée ; chaque posture, chaque élancement est d'une précision implacable, quasi-mathématique, comme souvent chez Maud Blandel, or le geste n’en revêt pas moins une exquise délicatesse, une sensualité jusqu’au bout du pied qui se pose au sol. Musique et danse dialoguent, sons et mouvements s’accordent pour devenir un ensemble inextricable, jusqu’à ce que le corps devienne musique et la musique, danse. C’est un corps entier, qui s’agite, s’arrête, reprend, respire. Diverti Menti diffuse une grâce et une beauté qui rendent hommage à l’un des génies de l’histoire de la musique et qui, en creux, semblent murmurer de ne pas oublier de se divertir (au sens du latin : se laisser détourner de ses habitudes). Un ravissement.
Savoureuse réorchestration du célèbre Divertimento K.136 de Mozart pour un quatuor inédit – trois solistes de l’Ensemble Contrechamps de Genève et la stupéfiante danseuse Maya Masse !
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Dans le Mille
En partenariat avec L'étoile du nord, dans le cadre du festival Avis de Turbulences
Bo / Kevin Jean n’en est pas à son galop d’essai en matière d’écriture scénique alternative aux codes hétérosexuels dominants, participant du renouvellement des imaginaires. Dans ce trio, Bo / Kevin Jean convoque des danses rarement interprétées par des personnes assignées hommes à la naissance, en explorant des éléments de l’univers de l’érotisme à rebours de la répartition genrée des rôles – la femme séduit, est regardée ; l’homme regarde, est séduit.
En 2019, La Poursuite du Cyclone irradiait une colère enfouie mais vibrante, métissant dans sa danse les questions de l’intime et du politique. Dans le mille commence là où s’arrête La Poursuite du Cyclone. Ce nouvel opus, tout en poursuivant une quête de formes performatives alternatives, puise dans un autre registre émotionnel que celui de l’exaspération ; l’affirmation d’un refus : être un homme.
Au coeur de cette performance, le chorégraphe part de ses expériences pour examiner les enjeux de l’exposition de son corps propre et de celui de ses partenaires, chacun dans sa zone de puissance. Dans le mille met parallèlement en échec le schéma binaire entre masculinité et féminité, en choisissant l’opposé de la « virilité » : la vulnérabilité, la sensibilité, le don de soi, drainant ainsi une nécessaire transformation des représentations.
Avec « Dans le mille », Bo / Kevin Jean ouvre l’hypothèse d’un soulagement des comportements pré-dévolus aux femmes comme aux hommes !
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